Elise Bernard, docteur en droit public et enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur Euradio les implications concrètes de l'État de droit dans notre actualité et notre quotidien. Ses analyses approfondies, publiées sur la page Europe Info Hebdo, offrent un éclairage précieux sur ce pilier fondamental de l'Union européenne.
L’État de droit en Europe est exigeant quant aux obligations auxquelles sont tenus les États, c’est pour cela qu’il est de nouveau question de sanctions à l’encontre de la Hongrie au regard de la législation liberticide qu’elle met en place.
C’est vrai Laurence, d’ailleurs, le 27 mai, 20 États membres de l'UE se déclarent « profondément préoccupés par les récents amendements législatifs et constitutionnels qui portent atteinte aux droits fondamentaux et « demandent à la Commission d'utiliser rapidement la boîte à outils de l'État de droit dont elle dispose au cas où ces mesures ne seraient pas révisées en conséquence ».
Une telle déclaration pèse lourd sur la scène internationale. Qu’est ce que cela apporte du point de vue des sanctions qui pèsent sur la Hongrie?
Rien. L’intention est louable mais ce qui me chagrine c’est que, en demandant à la Commission d’utiliser les moyens adéquats, ces représentants étatiques sous-entendent que la Commission ne ferait pas son travail de garante des traités et donc de défense de l’État de droit.
Oui c’est curieux comme déclaration parce que les actions entamées par la Commission européenne à l’encontre de la Hongrie sont bien réelles et dépendent essentiellement des délais de procédure.
Oui, respectueuse des procédures donc de l’État de droit. Ces actions en justice concernent : l’atteinte à l’objectif de lutte contre le trafic d’êtres humains et l'instauration d’une loi inspirée de la Russie concernant la surveillance des agents étrangers.
La Commission n’est pas seule à tenter des actions. Pour leur faire écho, des eurodéputés appellent d’ailleurs à un gel total des fonds européens à destination de la Hongrie.
Oui. Et c’était au Parlement européen, déjà, en 2018, en réponse aux dérives antidémocratiques de la Hongrie, qu'était déclenchée la procédure de l’article 7 du traité sur l’Union européenne.
Mais où en est-elle cette procédure ayant pour objet de suspendre les droits de vote au Conseil de la Hongrie ?
Eh bien Laurence, la procédure est toujours suspendue au niveau... du Conseil.
Donc des représentants étatiques. Y compris les 20 de la déclaration du 27 mai. Mais alors ils insinuent que la Commission doit trouver encore autre chose?
C’est à se demander. C’est vrai que cet appel du 27 mai pose toute une série de questions.
Est ce que les représentants de ces 20 États ont besoin d’une action supplémentaire de la Commission pour donner une suite - suivie d’effets - à la procédure de l’article 7 TUE?
Qu’est-ce qui empêche ces vertueux États d’attaquer la Hongrie en manquement devant la CJUE?
Si cet appel témoigne d’une carence de la Commission européenne, pourquoi ne pas introduire un recours en carence afin de la forcer à agir conformément à ses obligations ?
La commission peut aussi être sanctionnée pour inaction alors?
Oui, une procédure est prévue mais cette déclaration pleine de bonnes intentions ne me semble pas suffire pour entamer un contentieux à la Cour de Luxembourg. Cela ne me semble n’être qu’un petit coup politique.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.