Aujourd'hui en Europe est un journal consacré aux actualités européennes du jour, réalisé par la rédaction d'euradio à Bruxelles. Avec Gaspard Timmermans, Robin Job Thomas Kox, Paul Thorineau et Ulrich Huygevelde.
Au programme :
- Retour sur le conseil de l’UE
- Zelensky et le Conseil de l'Europe signent un accord pour créer un tribunal pour la guerre en Ukraine
- Contrôle d’identité « au faciès » : la France condamnée par la CEDH, une décision inédite
On commence ce journal à Bruxelles, où un Conseil européen s’est tenu le jeudi 26 juin. Un sommet dominé par l’agenda géopolitique après les récentes frappes américaines sur l’Iran et la recrudescence des attaques russes sur l’Ukraine. Cependant, dès le début du sommet, il est apparu clairement qu’il existait de profondes divisions sur les sujets abordés.
Oui, en effet. Et l’un des signes les plus visibles de cette division est venu du Premier ministre slovaque Robert Fico, qui a annoncé qu’il opposerait son veto au 18ᵉ paquet de sanctions de l’UE contre la Russie. L’Union européenne espérait que ce paquet serait approuvé ce vendredi. Il visait 22 banques russes, 77 navires de la flotte fantôme qui exporte du pétrole russe en contournant les sanctions, ainsi que les gazoducs Nord Stream, actuellement hors service.
Le premier ministre slovaque justifie sa décision de mettre son véto à ce nouveau paquet de sanctions par la dépendance de son pays au gaz russe.
Oui, en effet. En mai, la Commission européenne avait proposé d’éliminer toutes les importations de combustibles fossiles russes, y compris le pétrole et le gaz, d’ici à la fin de l’année 2027. Cette proposition avait reçu la majorité des voix et devait être mise en œuvre. Mais la Slovaquie, encore fortement dépendante de l’énergie russe, s’y est fermement opposée.
Robert Fico a expliqué dans un message vidéo que cette proposition serait, je cite, « une sanction aux conséquences très lourdes », entraînerait une hausse des prix pour les consommateurs, affaiblirait la compétitivité européenne et mettrait en danger la sécurité énergétique de la Slovaquie.
Les divergences sont également difficiles à cacher quant à la poursuite et l’approfondissement du soutien à l’Ukraine face à la Russie.
Oui, en effet. 26 États membres ont signé une déclaration réaffirmant leur soutien ferme à l’Ukraine, appelant à une « paix globale, juste et durable », et soulignant leur attachement à l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays.
Mais, comme souvent, la Hongrie s’est abstenue. Le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, reste fermement opposé à l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. Il s’appuie notamment sur une consultation nationale, menée en 2024, selon laquelle 95 % des 2 millions de participants se sont déclarés hostiles à cette adhésion.
Une position qui illustre à nouveau les fractures persistantes au sein des 27, malgré un soutien globalement massif à Kiev.
Et la remise en cause de l’accord d’association entre l’UE et Israël est lui aussi source de tensions.
Là aussi, le Conseil européen a évité toute décision concrète sur le sujet.
Alors qu’un rapport interne du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) souligne, je cite, des « indications » de violations des droits de l’homme par Israël à Gaza et en Cisjordanie, les chefs d’État et de gouvernement se sont contentés de « prendre note » du rapport, renvoyant toute décision à juillet, en fonction de l’évolution sur le terrain.
Les divisions restent vives : l’Espagne, l’Irlande et la Slovénie appellent à des mesures de pression accrues, et envisagent de former une coalition d’États membres pour faire avancer le dossier.
L’Allemagne, l’Italie et la Hongrie, à l’inverse, refusent toute mesure supplémentaire. Une option intermédiaire, actuellement sur la table, serait d’envoyer la cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, en Israël pour engager un dialogue direct avec Benjamin Netanyahou.
Et cette semaine a également été marquée par la création, par le Conseil de l’Europe d’un tribunal spécial chargé de juger le crime d’agression contre l’Ukraine. Que faut-il en retenir ?
Oui, c’est une décision inédite sur le plan juridique. Pour la première fois, un tribunal spécial sera créé sous l’égide du Conseil de l’Europe, qui regroupe 46 États membres (après l’exclusion de la Russie en 2022).
L’accord a été signé le 25 juin à Strasbourg, entre le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le secrétaire général du Conseil de l’Europe, Alain Berset.
Objectif : poursuivre les responsables politiques et militaires russes pour le crime d’agression, c’est-à-dire la décision de recourir illégalement à la force armée contre un autre État, en violation de la Charte des Nations unies.
En quoi ce tribunal spécial est-il nécessaire en complément de la Cour pénale internationale (CPI) ?
Tout simplement parce que la CPI n’a pas compétence pour juger la Russie pour ce type de crime. Ni la Russie ni l’Ukraine n’ont ratifié le Statut de Rome, ce qui limite les possibilités de poursuite devant la CPI.
L’Ukraine a certes ratifié les amendements de Kampala, qui définissent le crime d’agression, mais la compétence de la CPI reste très restreinte dans ce domaine. Ce tribunal spécial se concentrera donc sur les hauts responsables civils et militaires russes, mais pas sur Vladimir Poutine, ni sur le Premier ministre Mikhaïl Michoustine ou le ministre des affaires étrangères Sergueï Lavrov, protégés par leur statut officiel tant qu’ils sont en fonction.
Enfin, terminons ce journal en évoquant la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme pour contrôle d’identité discriminatoire. Une première.
Oui, c’est une décision inédite rendue le 26 juin. La Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France, reconnaissant une discrimination lors d’un contrôle d’identité subi en 2011 par Karim Touil, contrôlé trois fois en dix jours à Besançon.
Les juges ont estimé que les contrôles n’étaient pas légalement justifiés et qu’ils reposaient sur des critères discriminatoires, sans « justification objective et raisonnable ».
La France a été condamnée pour violation des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, concernant le respect de la vie privée et l’interdiction de la discrimination, et devra verser 3 000 euros de dédommagement.
L’avocat Slim Ben Achour salue « une grande victoire pour les victimes et pour le droit », même si la CEDH n’a pas qualifié ces pratiques de « systématiques » ou « généralisées », malgré le constat d’une pratique « ancrée » en France.
Pour rappel, 47 millions de contrôles d’identité sont réalisés chaque année en France selon la Cour des comptes, et selon le Défenseur des droits, je cite, “les jeunes hommes perçus comme noirs ou arabes” ont vingt fois plus de risques d’être contrôlés.
Un journal de Thomas Jan Meekers, Assia Patel et Isaline Feller.