L'humeur européenne de Bernard Guetta

Merci, Musk

© Steve Jurvetson de Flickr Merci, Musk
© Steve Jurvetson de Flickr

Chaque semaine sur euradio, retrouvez la chronique de Bernard Guetta, député européen, qui effectue un retour sur les actualités et événements européens actuels.

Je n’aurais jamais imaginé l’écrire mais, oui : merci Musk ! Merci à cette brute droguée et mégalomane, merci à l’homme qui pensait réduire les déficits américains en s’appuyant sur des commandos d’imbéciles prépubères, merci à l’incarnation du pouvoir de l’argent, oui, merci à cet homme si profondément détestable car grâce à lui, Trump apparait enfin pour ce qu’il est : une grotesque baudruche, incompétente et destructrice.

Grâce à Elon Musk, parce qu’il a dit et même hurlé l’évidence, les Etats-Unis et le monde ont maintenant réalisé que ce président qui disait vouloir réduire l’endettement des Etats-Unis ne faisait que le projeter à des sommets jamais atteints. L’homme le plus riche du monde l’a fait comprendre alors même qu’il n’y a pas de différence de fond entre son ami d’hier et lui. L’un aurait voulu que les nouvelles réductions d’impôt sur les plus grandes fortunes soient compensées par la baisse de l’investissement public et des dépenses sociales alors que l’autre, parce qu’il doit penser à ne pas perdre les élections à venir, n’a pas osé toucher aux plus populaires des budgets sociaux.

Entre eux, il n’y a qu’une différence sur les moyens de favoriser les plus riches mais cette querelle n’a pas seulement fait voir que Donald Trump faisait absolument n’importe quoi. Elle a du même coup fait comprendre, dire et écrire que les finances des Etats-Unis sont dans un tel état que ce géant a désormais des pieds d’argile.

L’image de Donald Trump s’en modifie. On voit soudain qu’au lieu de rendre sa grandeur à l’Amérique, il la réduit allègrement, qu’il ne cesse de mentir et de se mentir à lui-même, et qu’en bientôt cinq mois de pouvoir, d’absolu pouvoir puisqu’il contrôle les deux Chambres, il n’a rien réussi et échoué sur tous les fronts.

Le relèvement des barrières douanières ? Ce qu’on a fini par en retenir est que Trump se déballonne à chaque fois, que Trump always chickens out, « TACO » en version courante.

La fin de la guerre d’Ukraine en un jour ? On en rirait si ce n’était à pleurer.

La réduction du déficit budgétaire ? On sait.

La nouvelle riviera de Gaza ? Cette obscénité n’a pas fait long feu.

En revanche, l’Alliance atlantique est ébranlée jusque dans ses fondements, l’image internationale des Etats-Unis et leur démocratie sont durablement atteintes, la division de ce pays n’a jamais été aussi grande depuis la guerre de sécession et les agences de notation comme les banques centrales commencent à s’interroger sur la solidité de l’économie américaine.

Comme bilan, on ferait difficilement pire. C’est pour tenter de le faire oublier que Donald Trump a envoyé des troupes à Los Angeles mais Musk n’a pas fait que dire la nudité du roi. Il a clairement laissé entendre qu’il pensait susciter et financer un troisième courant politique américain, ni démocrate ni trumpiste. Ce genre de tentative n’a jamais connu de vrai succès dans l’histoire américaine mais outre que Donald Trump a libéré un espace en faisant main basse sur le Parti républicain, il suffirait qu’Elon Musk déplace quelques pourcentages de voix pour que Donald Trump perde sa majorité à la Chambre et sans doute même au Sénat.             

C’est une deuxième raison de le remercier car rien n’est plus urgent pour la démocratie que d’affaiblir l’idiot utile du Kremlin.  

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